CHRONIQUE D’ENFANT 4 Les grillons

En haut de la petite vigne il y avait une haie de sanelles, buissons épineux couverts de petites boules rouge vif dont sont friands les oiseaux et qu'il m'arrivait de grignoter quand elles étaient bien mures.
Le milieu de la haie était percé d'un petit passage barré par un vieux portillon rouillé et de guingois qui tournait difficilement sur ses gonds de cuir fendillé cloués sur un gros poteau de bois.
Derrière ce portillon c'était l'aventure interdite car il y avait là ce que l'on appelait "le petit chemin".
Un sentier courrait sur plusieurs kilomètres en bordant les parcelles à quelques mètres de la ligne de crête de la petite colline. Ce chemin était peu fréquenté et parfois dangereux par endroit à cause de quelques effondrements de terre.
Il s'était formé naturellement comme une sente de lapin, par les passages répétés des riverains depuis plus de trente ans. Son peu de fréquentation en faisait un endroit véritablement sauvage et grouillant de vie.
Des oiseaux de toutes sortes qui s'envolaient à peine à mon passage, des lézards gris et des gros lézards verts dont j'avais très peur car l'on m'avait dis qu'ils mordaient très fort et que même en leur coupant la tête, ils ne lâchaient pas prise, des grosses libellules que j'essayais vainement d'attraper, des sauterelles qui, en s'envolant montraient de magnifiques ailes rouges ou bleues, et des grillons noirs et brillants que j'avais appris à chatouiller avec une herbe au fond de leur trou pour les faire sortir .
J'avais trouvé ce jour là, en farfouillant encore une fois dans la remise sombre, une petite cage à grillon couverte de poussière que j'avais quémandé avec succès à ma grand mère.
C'était un petit objet composé de deux plaquettes de bois carrées reliées par une rangée circulaire de petites tiges de fer. Trois tiges de fer étaient mobiles et servaient de porte.
Muni de mon butin que j'avais nettoyé avec soin avec la brosse en chiendent du lavoir en ciment de la cour, j'étais parti sur le petit chemin avec la sensation du chasseur de fauves dans la savane. J'avais attrapé rapidement deux beaux grillons brillants que j'avais mis dans la cage auxquels j'avais rajouté un bout de feuille de laitue volée dans le jardin, au cas ou ils aient faim.
C'étaient de bons chanteurs et j'étais très fier d'eux, je les avais installé dans la cour et je me suis endormi ce soir là en les écoutant de mon lit.
Le lendemain matin, avant toute chose, je suis allé voir mes grillons. Il y en avait un bien vaillant mais l'autre ne bougeait presque pas, caché sous un bout de feuille de salade.
Le soir, après une après midi bien remplie je suis revenu admirer mes deux pensionnaires et là, horreur, un grillon avait mangé l'autre dont il ne restait que les pattes et la tête.
 J'en ai éprouvé tant de culpabilité et de dégoût que plus jamais je n'ai remis un grillon en
 cage.

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