CHRONIQUE D’ENFANT 1 Premiers souvenirs


D'aussi loin que je me souvienne, l'image la plus ancienne qui remonte de mes souvenirs d'enfant de cinq ans, est cette rambarde en ciment qui bordait l'escalier et le perron de mon grand-père. Je devais me mettre sur la pointe des pieds pour regarder la route en bas, l'avenue de Roquecourbe, bordée de gros platanes, qui suivait le cheminement de la rivière en contrebas.

Il y avait le samedi les charrettes à cheval des paysans qui allaient au marché de la ville vendre leurs poules et leurs légumes. Le bruit rythmé des sabots sur l'alsphate faisait une petite musique familière et agréable qui m'attirait irrésistiblement sur le perron.

Je me souviens, ces jours-là, ma grand-mère venait voir de temps en temps si les chevaux n'avaient pas déposé quelques précieux crotins pour enrichir le pied des dahlias du jardin. Elle descendait alors avec la pelle et la balayette spécialement réservés à cet usage et un vieux seau et remontait bientôt avec son butin fumant et fleurant bon la ferme.
Plus tard cette tâche me fut confiée et je m'en acquittais avec fierté, sous le regard attentif et inquiet de ma grand mère. Je me dépêchais de descendre dés que je voyais un petit tas sur la route, de peur qu'une voiture passe et vienne déprécier ma cueillette en l'écrasant sous ses pneus.

Il y avait aussi ce gentil vieux monsieur qui passait en vélo qui me faisait d'aussi loin que je le voyais de grands bonjour de la tête, auxquels je répondais par des signes des deux mains. J'ai appris plus tard que c'était un tic et qu'il opinait de la tête tout le temps. Ce fut une de mes premières hontes de petit garçon car je croyais l'avoir gravement offensé.

Il n'y a pas l'image de ma mère dans ces premiers souvenirs. Celle-ci était gravement malade des reins dans un hôpital lointain à Toulouse. Mon père venait de se séparer d'elle car il ne supportait pas d'avoir une femme malade dans sa vie.

J'avais donc été confié à mes grands parents et j'avais comme petite maman Ginette la benjamine de la famille qui à 18 ans vivait à la maison familiale.
«Tati Ginette» avait un formidable vélo rouge avec à l'arrière deux sacoches joufflues. Elle m'amenait le matin avant d'aller travailler, à l'école de l'Albinque à trois kilomètres de là.
Assis sur le porte bagages, je me cramponnais à la selle avec une délicieuse frayeur. A sa demande il fallait que je l'aide à pousser lorsque nous attaquions la longue côte qui menait à l'école. Mes deux mains soudées à la selle j'appuyais alors fortement ma tête sur son dos en poussant des « hans » appliqués et nous arrivions tous les deux très fatigués.

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :